Faute d’une offre publique suffisante, les écoles
privées foisonnent à Butembo. Mais si le profit est au rendez-vous pour leurs promoteurs, les élèves et enseignants y ont des conditions de travail souvent déplorables. Et la qualité de l’enseignement
est reléguée au second plan.
Assis sur des vieux bancs, entassés dans une petite pièce, 35 élèves suivent un cours ce mercredi 9 janvier dans le chantier qui abrite l’institut privé "La Promesse". Ils recopient le résumé écrit sur un vieux tableau. "Nous travaillons dans de mauvaises conditions. Nous avons à plusieurs reprises suggéré au responsable d’améliorer les choses, mais en vain", indique un enseignant, l’air courroucé. A l’entrée principale, il n’y a pas de porte. Des fenêtres sont bricolées avec des cartons. Dans d’autres salles de classe, la situation est encore pire. Pas de tableaux, des élèves qui, faute de tables, écrivent sur des cahiers posés sur leurs cuisses...
Selon Kahindo Kasunga, inspecteur chargé du contrôle des écoles privées en province éducationnelle Nord-Kivu II, la ville compte 158 écoles privées cette année contre environ quatre-vingt il y a cinq ans. Leurs promoteurs expliquent que ce foisonnement par la forte croissance démographique de la ville et son extension qui nécessitent l’augmentation du nombre d’écoles. "Il n’y a pas de place pour tous dans les bonnes écoles. Nous sommes obligés de venir étudier ici faute de mieux", explique Francesca Kasika, élève dans une école privée de la place.
Des promoteurs peu soucieux
Dans plusieurs écoles privées, la rigueur et la discipline sont laissées pour compte. "Ici, il suffit de payer les frais et acheter tout ce que le préfet exige. Maquillage, cheveux tressés, beaucoup de choses sont tolérées …Ce qui n’est pas le cas dans des écoles gérées par des Eglises", explique Chantal Kwiravusa, élève dans une école privée. A part les frais scolaires, qui sont élevés, les gestionnaires exigent des élèves qu’ils achètent le matériel nécessaire dans toute école : Journaux de classe, feuillets de règlement d’ordre intérieur, uniformes, stylos, cravates, foulards, insignes ou logo de l’école et autres petites choses… "Mon école me permet de bien vivre, payer mes frais de santé et ceux de ma famille", affirme, sous anonymat, la promotrice d’une école privée.
Certaines de ces écoles naissent un jour et disparaissent le lendemain. En 2011, le promoteur d’une école a fui avec plus de 2000 $. Il avait extorqué 100 $ de frais de réinscription à des finalistes malheureux. Malgré les multiples exhortations de l’inspection de l’enseignement chargée des écoles privées, de nombreux promoteurs ne se soucient guère d’améliorer les conditions de formation dans leurs institutions.
Formations bâclées
Selon les instructions légal du ministère de l’EPSP (Enseignement primaire, secondaire et professionnelle), pour ouvrir une école, il faut disposer de ses propres bâtiments et payer d’avance six mois de salaire du personnel enseignant. A la division provinciale de l’EPSP Nord-Kivu II, on indique qu’il est difficile de sanctionner les promoteurs de ces écoles. "Tous brandissent des arrêtés du ministre qui les autorisent à fonctionner, or je n’ai pas le pouvoir de fermer une école, je me limite au rapport circonstancié adressé à ma hiérarchie", se dédouane Kalumendo Kombi, chef de la division de l’EPSP Nord-Kivu II.
En principe le système d’enseignement est le même sur toute l’étendue du pays. Mais dans certaines écoles privées, les élèves sont tout le temps à l’extérieur et vont jusqu’à dédaigner l’enseignant. Selon Mumbere Mwangaza, enseignant dans le département de psychologie, les élèves suivent des enseignements vieux de plusieurs années. "Parfois les enseignants utilisent les notes de cours qui, pour les plus récents, datent de 1994. Pour former quels cadres de demain ?", interroge-t-il.
Jean Marie Mutulirano